Premier extrait des notes du cours de Philosophie de Georges LEVESQUE au lycée d'Etat d'EVREUX en 1967.

LA PHILOSOPHIE N'EST PAS UNE SCIENCE.

C'est un doute exercé sur l'opinion.

Opinion : la plupart de nos réflexions ne sont que des opinions. L'opinion (ou la croyance) est une affirmation acceptée comme évidente, sans preuve et sans discussion.

L'opinion s'oppose.

- à la foi, qui est réfléchie mais qui demeure sans preuve.

- à la science qui est réfléchie et qui s'appuie sur des preuves.

Le domaine de l'opinion est très vaste. Toutes les opinions s'appuient sur une certaine autorité qui les garantissent. L'autorité de la tradition : " on a toujours pensé que..." et on continue de penser que... Exemple : les proverbes. Il y a des opinions (idées reçues) qui ont pour garantie la coutume, par l'autorité de la famille et du milieu ( opinion politique, cléricale), par l'autorité du journal, de la radio, de la télé, par l'autorité de la masse, par l'autorité des savants. Souvent nous nous décidons à bouleverser notre vie sur de simples opinions (croyance au destin).

La philosophie commence par la prise de conscience que l'opinion n'est pas une vérité. La véritable philosophie commence par la reconnaissance de l'ignorance : le philosophe est conscient qu'il ne sait rien, "je ne sais qu'une seule chose, c'est que je ne sais rien". Le véritable ignorant est celui qui ne sait pas qu'il est ignorant".

Chez PLATON, l'opinion est la doxa (orthodoxe : dans la ligne de l'opinion). Ce que veut le philosophe, c'est l'episteme (le démontré, le vérifié). Le philosophe commence par le doute (voir DESCARTES).

DOUTER veut dire se retenir d'affirmer, de nier pour examiner avant d'accepter. Celui qui doute prend du champ, du recul, il n'adhère plus aveuglément à ses pensées.

Descartes, dans tous ses livres, rejette toutes les opinions qu'il peut avoir. Dans un panier, lorsque l'on a des pommes pourries, on ne les trie pas dans le panier lui-même. On les renverse, puis on les examine les unes après les autres. On remet les pommes qui sont bonnes dans le panier puis on jette les autres. Ceci est valable pour nos idées : rejeter nos opinions, garder ce qui est indubitable. Le doute consiste à se séparer de toutes les opinions. C'est une expérience de notre liberté de penser. Nous savons immédiatement si nous sommes libres en doutant de tout, si nous ne sommes pas prisonniers de nos pensées.

La philosophie exige la liberté de pensée.
Ainsi le philosophe ne reconnait aucune autorité. Il y a, chez le philosophe une sorte d'irrespect avant tout, une liberté irréductible qui dérange jusqu'à sa persécution ou la destruction de ses livres. La science peut se développer à l'ombre d'une autorité, elle peut se mettre au service d'un pouvoir, garder ses secrets. La philosophie ne le peut pas. Un philosophe qui se met au service d'un pouvoir devient un propagandiste, il n'est plus philosophe parce qu'il lui manque la liberté de penser. Ce n'est pas de la science qu'il faut attendre la liberté.

La philosophie est recherche de vérité.
Le philosophe ne doute pas pour le plaisir, mais pour parvenir à la vérité. Le doute n'est possible que si nous avons en nous une exigence de vérité, que si nous sommes attirés que par une certaine idée que nous nous faisons de la vérité, une vérité non pas contradictoire mais universelle.

(A suivre)

La pilosophie est un doute exercé sur l'opinion

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